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Laure Poupart, la seule bergère de la Baie de Somme

Laure Poupart, la seule bergère de la Baie de Somme, ne se contente pas de surveiller un troupeau de 260 bêtes : elle donne naissance à ses agneaux de prés salés. Découvrez cette jeune femme qui affronte vents et marées avec détermination.

Que signifie pour vous la naissance d’un agneau ?

C’est un moment difficile à décrire lorsqu’on le vit soi-même. Je dois me concentrer, assurer mes gestes, tenir le petit par les pattes arrière pour lui dégager les poumons, tout en étant submergée par les émotions.

C’est un instant très fort, qu’il dure cinq ou quarante-cinq minutes. Ensuite, je suis sur mon petit nuage… et j’essaie de quitter rapidement l’enclos sans me faire bousculer par un bélier de quatre-vingts kilos !

On est loin de l’image de la bergère en robe qui sautille dans les champs…

Effectivement. Pour ma part, c’est plutôt short et bottes dans la boue toute l’année, par tous les temps.

Cela vous pèse-t-il ?

Non, mais j’ai dû m’endurcir et apprendre un métier physique, où l’on vit en extérieur. J’ai eu la chance d’être accompagnée par Roland Moitrel, actuel président de l’association de Défense de l’appellation Prés-Salés de la Baie de Somme. Il m’a initiée aux différentes tâches, comme boucler les agneaux, les nourrir, castrer les mâles. Il m’a aussi fait prendre conscience de l’ampleur de la tâche. En 2018, alors que j’étais en pleine formation avec lui, il m’a dit : « Si tu survis à l’hiver, t’as une chance de t’installer. » Et nous sommes en 2021.

Dans un hangar tout neuf à deux kilomètres de Saint-Valéry-sur-Somme.
Oui, car pour bénéficier de l’AOP agneau de prés salés, la bergerie doit se trouver à moins de trois kilomètres à vol d’oiseau de la baie. Aujourd’hui, vous ne voyez qu’une partie du troupeau. Le reste pâture au Crotoy dans les zones de bas champs.

Des champs de qualité, mais parfois dangereux ?

Si l’on n’est pas vigilant, la baie peut devenir un piège. Les brebis peuvent s’enliser, se faire surprendre dans les rieux par la marée montante. Malgré les dangers et les conditions climatiques rudes (l’été, en cas de canicule, la baie offre peu de protection), on se sent vivant. Et cela, huit mois sur douze. Pour couronner le tout, la couverture mobile est médiocre.

Mais vous pouvez compter sur Pêche, votre fidèle alliée ? Quel est son rôle ?

Elle est indispensable ! Elle est comme une extension de mon corps. Comme tous les borders collies, Pêche est rapide, agile et instinctive. Avec quatre autres bergers, nous partageons un terrain de cinq-cents hectares, où paissent environ mille-cinq-cents brebis. J’en ai un peu plus de deux-cent-cinquante. Pêche est un guide. Quand je dis « Yerette », elle bloque le troupeau. « Top là ! », elle s’arrête net. Elle se comporte un peu comme un renard, veillant sur le troupeau, cachée dans l’herbe. On ne voit plus que deux oreilles noires dépasser.

Existe-t-il un langage que les brebis comprennent ?

Avec le temps, oui. Si je crie « Taou ! Taou ! », elles savent qu’il est temps de rentrer. Mais rien ne vaut Pêche, ce grand lasso qui réagit au geste et à la parole.

L’hiver, la baie ne vous manque-t-elle pas ?

Énormément. Mais je ne serai jamais très loin avec le chalet que mon père me construit juste à côté de la bergerie. Ce sera mon refuge, mais aussi ma vigie pour être au plus près de mes bêtes. Le danger n’est pas qu’en baie. La période d’agnelage apporte son lot de tragédies. Le matin, quand je reviens, il m’arrive d’avoir un mauvais pressentiment.

Cela s’est-il déjà produit ?

Heureusement, très rarement. Une naissance peut se compliquer, surtout lorsqu’elle a lieu la nuit, sans personne. Mais il y a aussi de belles histoires. Comme ce jour où j’ai emmené deux fragiles nouveau-nés se réchauffer devant la cheminée de ma grand-mère. Je les avais mis dans une petite caisse. Ils ont été sauvés.

Vous êtes très attachée à elles.

Je fais partie de ceux qui ont du mal à se séparer d’une bête qu’ils ont vue grandir. La première fois, c’était déchirant. Je m’en souviens comme si c’était hier. Roland vient à la bergerie, observe les jeunes et me dit : « Laure, tes agneaux sont bien trop gros. Ils font quarante-sept kilos. Ils devraient en faire 40 !! » J’ai répondu que c’était sept kilos d’amour.

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