Guillaume Lefranchois était un médecin, installé à Béthune dans la première moitié du XVe siècle. Il décéda le 6 octobre 1446 et son tombeau en pierre noire de Tournai fut érigé dans l’église Saint-Barthélemy de la ville. L’inscription en lettres gothiques qui court tout autour de la table nous renseigne à la fois sur l’identité du défunt, mais aussi sur ses titres : il était docteur en médecine ainsi que bachelier en théologie. On apprend même qu’il voyagea jusqu’au Saint-Sépulcre de Jérusalem où il fit sa première messe. Pourtant, le notable n’est pas représenté avec cette forme de quiétude des gisants des XIIIe et XIVe siècles.
Ce corps en putréfaction qui grouille de vers
Les épidémies de Peste noire et de choléra qui ont sévi au XIVe siècle, les guerres et les famines aussi, ont confronté l’homme à la réalité de la mort, à sa décomposition. Et c’est ainsi, décharné, que Guillaume Lefranchois apparaît. Malgré l’éclat de sa vie, face à la mort, le chanoine et médecin n’est plus qu’un corps en cours de décomposition. Les vers ont déjà commencé leur œuvre. Ils grouillent au milieu des entrailles de ce corps en putréfaction. Il sortent de la bouche et de tous les orifices. Ils sont comme les Pendus de François Villon, dans cette célèbre ballade épitaphe écrite en 1462 où « ma chair, que trop avons nourrie / elle est piéça dévorée et pourrie / et nous les os, devenons cendres et poudre / de notre mal personne ne s’en rie ». Il est ensuite question de rédemption et de prière, mais ce ne sont pas les mains du défunt qui y invitent. Ici, si les mains se joignent encore, elles ne sont plus là que pour cacher un sexe qui n’existe déjà plus.
Symbole d’espérance et de rédemption
Pour autant, cette représentation morbide et noire, comme la pierre dans laquelle cette représentation est sculptée, ne cherche pas à glorifier la mort. Par le phylactère qui, à l’image d’une bulle de BD, sort de la bouche du défunt, Guillaume Lefranchois nous chuchote quelque chose dans un dernier soupir. On s’approche pour lire, on s’approche pour l’écouter et l’on entend : « J’ay l’espérance de mon salut en la seule miséricorde de Dieu« .
Derrière l’image décharnée du cadavre qui pue la mort, le défunt adresse un message fort aux vivants, aux Chrétiens. Il leur rappelle que la vie sur terre n’est qu’une étape. Il nous rappelle que ce que l’on est sur terre ou dans la société est forcément voué à disparaître. La vie terrestre, l’apparence physique, la richesse deviennent alors aussi futiles que fugaces et s’opposent à la vie céleste, qui elle seule mène à l’éternité et au salut. C’est là le vrai message de ce thème finalement profondément rédempteur.
Et si les conditions sanitaires actuelles ne vous permettent pas de découvrir cette œuvre magistrale au musée du Louvre-Lens, vous pourrez la retrouver rapidement dans l’ancienne abbaye Saint-Vaast qui sert d’écrin au musée des Beaux-Arts d’Arras.
Pratique
L’exposition Soleils Noirs est visible au Musée du Louvre-Lens jusqu’au 25 janvier 2021.
Web : https://www.louvrelens.fr/
Le musée des Beaux-arts d’Arras (22, rue Paul Doumer – 62 000 Arras)
Tél. : 03 21 71 26 43
Web : https://www.arras.fr/fr/mes-loisirs/culture/musee-des-beaux-arts
Mail : musee.arras@ville-arras.fr