SIMA 2022 : Précis d’artisanat

Cette année, la 7e édition du Salon International des Métiers d’Art de Lens fait écho aux dix ans du Louvre-Lens. Rencontre avec trois artisans d’art qui ont comme point commun la précision du geste.
Par Joffrey Levalleux
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Fendue de restauration 

Alice Declercq ne fait pas que recoller des morceaux : elle redonne le sourire aux gens. Comme elle le dit si bien, chaque objet, même brisé, « a une valeur sentimentale qui nous échappe. » Dans son atelier amiénois, la restauratrice de céramique et de verre perpétue un art où patience et précision ont raison de notre maladresse. Qu’il s’agisse d’une assiette sans réelle valeur marchande ou d’un vase en porcelaine bleue, l’objet sera considéré avec les mêmes égards. Après avoir établi un diagnostic précis du patient à « réparer », Alice propose à son propriétaire une restauration muséale ou illusionniste. Dans le premier cas, on ne cherche pas à masquer les cicatrices alors que dans le second, le résultat final donne l’impression que la surface n’a pas été abîmée. Cette prouesse est le fruit d’une réflexion – on ne traite pas le grès cérame comme la faïence – « et d’une vraie logique de collage », souligne Alice qui admet avoir toujours eu un faible pour les puzzles. A cette différence près qu’en matière de restauration d’art, les étapes appellent un savoir-faire certain. Époussetage, collage, ponçage, mise en couleur. La restauration d’un seul objet prend des dizaines d’heures. Mais cela n’en vaut-il pas la peine pour une vie de contemplation ? 

https://atelieralicedeclercq.fr

Gemme les boutons de manchettes 

Revenir à l’âge de pierre ne signifie pas faire une croix sur toute idée de minutie. En témoigne le Bruaisien Cédric Engelaere. L’ancien cadre informatique explore un univers infini avec une précision qui laisse sans voix. Derrière ses lunettes grossissantes, l’artisan lapidaire façonne au centième de millimètre une galaxie de pierres naturelles venues du bout du monde – Charoïte (Sibérie), Œil du tigre (Australie), Malachite (République du Congo) – pour en faire des boutons de manchettes. Un objet dont la vénusté ne manquera pas de séduire les nostalgiques d’une époque où l’élégance était synonyme de discrétion. Sans rien enlever à son talent de maître ès taillage et polissage de gemmes, son don inattendu est sa capacité à traduire les émotions. Examinant un Lapis Lazuli d’Afghanistan, Cédric perçoit un « lagon apaisant dont il faut observer toutes les facettes pour ressentir ce qu’il a à nous dire. » On est à des années-lumière du caillou qui brille. Outre des boutons de manchettes, vous trouverez chez Homme Sweet Homme des bracelets et des chevalières tout aussi remarquables. Il y a deux ans, Cédric Engelaere n’avait aucune idée de ce qu’il voulait faire. On peut dire qu’il a rebondi tel un galet qui ricoche. 

www.homme-sweet-homme.fr 

L’enlumineur, monumentale minutie 

Pour enlever l’excédent de graphite, Célia Meuret utilise une gomme mie de pain. Le geste est délicat comme pour toutes les étapes précédentes. Et parbleu que la liste est longue ! Il faut dire que le point de départ – un parchemin de peau d’agneau – ne se manipule pas comme une toile cirée. Il faut le tremper dans une eau à 36°, le tendre avec des clous de tapissier, le sécher, le poncer pour ôter la pellicule de graisse, le badigeonner de blanc de Meudon pour remplir les pores, etc. « Une enluminure résume en une image cinq ou six feuilles de texte », souligne la jeune femme en dévoilant un pinceau en poils de martre dont on discerne à peine l’extrémité. « Ça me permet de faire les contours à main levée. » En France, les enlumineurs artisans d’art se comptent sur les doigts du gantelet. Dans son Atelier de Thot à Saint-Fuscien, Célia accueille des stagiaires férus d’histoire médiévale, nordique et celtique. Ils y verront des enluminures variées : un cygne modernisé, un antiphonaire (chant liturgique) ou une page du Livre de Kells (manuscrit irlandais du début IXe) qui a demandé des centaines d’heures de travail. « Mes yeux sont au bout de mes doigts », dit-elle. Il n’y a pas de meilleur outil. 

www.atelierdethot.com 

L’ART DE FÊTER SES 10 ANS 

On n’a qu’une fois dix ans dans sa vie. Cette année, c’est au tour du Louvre-Lens. Pour célébrer cet anniversaire, le SIMA met en lumière d’étonnants savoir-faire en rassemblant au premier étage des salons du Stade Bollaert une trentaine d’artisans d’art en lien avec les métiers de la restauration. De son côté, le musée propose des ateliers et des tables rondes. A noter aussi la présence du P’tit Scribe, la réplique XXL du Scribe accroupi, chef-d’œuvre de l’Antiquité égyptienne qui accueille les visiteurs de l’expo Champollion. Le 18 novembre, Dorian Demarc, créateur de ce géant du Nord, en présentera les étapes de fabrication. 

Salon International des Métiers d’Art, les 19, 20 et 21 novembre 2022 dans les salons du stade Bollaert-Delelis de Lens. Entrée gratuite.  

Texte : Joffrey Levalleux
Photos : Franck Bürjes (sauf mention contraire)
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