Quoi de plus éloigné que l’art et l’industrie, la création et la production, le présent et le passé ? Ces univers, Caroline Soreau les concilie à travers un ambitieux projet auquel elle consacre une thèse de doctorat1 . « Je suis dans une filière artistique depuis le lycée. C’est en master que j’ai commencé à m’intéresser aux robots dans l’art », explique la jeune femme qui a d’abord exercé comme professeur d’arts plastiques et artiste plasticienne avant de se consacrer à la recherche. Les prémices d’un cheminement qui l’a amenée au steampunk. « Plus qu’un mouvement artistique, le steampunk se définit comme un imaginaire qui réunit littérature et arts visuels, mêle science-fiction et fantasy, précise-t-elle. Une science-fiction qui se déroule dans le passé, au XIXe siècle précisément, et se nourrit de l’univers industriel. » Pour celle qui vient d’une famille ouvrière, le lien a vite été fait avec le patrimoine du bassin minier. « Il y avait quelque chose à faire avec cet imaginaire et les friches de la région où j’ai grandi ».
Des lieux de tourisme
A travers la lunette du steampunk, Caroline Soreau revisite donc le patrimoine industriel de notre territoire, à la fois dans une perspective de recherche qui devrait s’achever fin 2023, mais aussi de création. « Une thèse, c’est un temps limité, confirme la doctorante. Mon objectif est d’inventer des dispositifs culturels et artistiques pour valoriser ce patrimoine. Nos chevalements, nos usines sont des lieux de tourisme potentiels à visiter au même titre qu’un château ou un musée. Leur architecture-même est inspirante pour un artiste. » Aujourd’hui, ses projets s’illustrent par des planches de dessins et des clips vidéo où s’ébauchent de fantasques créatures inspirées par l’univers de la mine. En tête, le tendre galibot, l’inquiétant grisou ou l’étrange boule de suif. Mais la jeune femme garde les pieds sur terre, d’autant qu’elle est aussi ingénieur d’études pour la toute nouvelle chaire Tourisme et valorisation du patrimoine, lancée en mars par la communauté d’agglomération La Porte du Hainaut et l’Université Polytechnique Hauts-de-France. « Cela va me permettre de mieux connaître les envies des habitants. »
Régénérer le territoire
L’ambition de Caroline Soreau : la création d’un festival – peut-être itinérant – pour raconter l’histoire au plus grand nombre. En ligne de mire, les Machines de l’Île de Nantes, le Dragon de Calais ou les parades de Lille 3000. « Certes, on part de très loin, mais cette envie, localement, est bien là. J’ai d’ailleurs déjà été approchée, mais je me laisse le temps de finir ma thèse. » La jeune femme est bien consciente que le financement d’un tel projet sera l’étape la plus complexe, « mais une régénération du territoire par la culture peut créer des emplois dans des secteurs variés, affirme-t-elle. Et puis la force du steampunk, c’est d’être populaire, comme le montre le succès de Jules Verne ou d’Arsène Lupin. »
Elle peut aussi compter sur une grosse communauté de « vaporistes ». Des adeptes du steampunk (de l’anglais steam, vapeur) réunis un peu partout en France en associations, même si notre région n’a pas encore la sienne. « Chez nous, on se rapproche souvent des Belges pour les rencontres ou les festivals », constate-t-elle. Et si pour préparer le terrain, on créait une « cht’eam punk » ?