Duper le cerveau
D’après nos connaissances scientifiques, il est impossible de transformer du plomb en or. Ah bon ? A Vitry-en-Artois, en plein milieu des champs, une usine transforme bien de la farine de pois et de blé en… protéine végétale. L’objectif est bien de copier l’expérience gustative de la viande – que ce soit du bœuf, de la volaille ou du porc – en travaillant la texture, la couleur, l’odeur et la « jutosité » ! Mais ne s’improvise pas grand manitou du steak vegan qui veut. Transformer le végétal en texture animale a nécessité des millions d’heures de recherche et de développement pour réussir à duper notre cerveau.
Pour industrialiser la production et fabriquer dans un premier temps près de 5 000 tonnes par an, l’entreprise a investi plus de dix millions d’euros1 dans une usine de 4 500 m² implantée entre Lens et Douai. Avec une cinquantaine de salariés et une projection à 260 personnes d’ici cinq ans, le site serait même le plus grand de France dédié à la production d’alternatives à la viande de type simili-carné.
1 Nxtfood a notamment bénéficié du soutien des programmes d’investissement France Relance et France 2030.
Une recette bien gardée
Comment produit-on de la semi-viande avec du végétal ? Il faut d’abord essayer de copier les qualités du carné. Dans le laboratoire d’application trône d’ailleurs un chromatographe « qui sert à extraire une odeur de viande et à l’identifier pour la qualifier chimiquement. Cette technique permet de donner une saveur identique à nos produits », souligne Marianne Delporte, ingénieure scientifique spécialisée dans les biotechnologies. Au rayon surprise, les hachés végétaux de NxtFood peuvent être aromatisés avec des saveurs champignon ou concombre. Mais le procédé n’a rien de simple. Il faut non seulement choisir la bonne molécule et l’exacte proportion mais surtout anticiper les changements qui peuvent intervenir au stade de la cuisson.
Vous n’en saurez pas plus, la recette est jalousement gardée tout comme le process industriel. Le secteur est tellement concurrentiel que NxtFood ne communique pas son chiffre d’affaires, ses prévisions précises de production ni même ses ventes. L’entreprise préfère rappeler que « 15 % des émissions de carbone sont liés à la consommation de viande » – et souligner les vertus du circuit-court en arguant que « toutes nos matières premières viennent d’un rayon de 100 kilomètres autour de l’usine », comme le souligne Gilles Guerlet, directeur industriel.
Du végétal bien « musclé »
A Vitry-en-Artois, les protéines de pois et de blé sont ainsi mélangées à des épices et de l’huile afin de créer un genre de mélasse. La matière est ensuite extrudée – à savoir cisaillée et triturée dans tous les sens – pressée et mise en température pour obtenir une texture proche de la viande. C’est ce process qui concentre tout le savoir-faire d’Accro. La pâte qui en sort, appelée « muscle végétal », est striée et légèrement élastique. Cette matière est alors coupée en tout petits morceaux. Mélangée à une sorte de mayonnaise dont seul Accro a le secret, elle ressort des machines sous la forme de boulettes hachées et autres steaks végés, qui se succèdent sur des tapis roulants pour ensuite être emballés automatiquement.
Aujourd’hui, Accro aligne plusieurs produits bien aboutis : des hachés, des farces à cuisiner, des nuggets et autres boulettes. Le tout vendu en moyenne 19,50 €/kilo pour ne pas dépasser le prix de la viande en supermarché. « L’inflation actuelle pourrait nous donner rapidement un avantage compétitif sachant que nos principaux concurrents sont généralement deux à trois fois plus chers que la viande », note Renaud Saïsset, le nouveau directeur général. Charlotte Ballarin, directrice marketing et communication, et son équipe en ont même tiré un nouveau slogan : « Réveillez le végétal qui est en vous ».
Accro a commencé à débarquer dans les grandes surfaces début octobre avec des références au rayon frais du traiteur végétal mais aussi des surgelés. Accro affiche surtout la ferme intention d’être d’abord « la marque d’alternatives végétales à la viande préférée des Français en 2023. » Avant de devenir carrément « un acteur majeur du marché européen. »
NXT FOOD EN DATES
Février 2019 : création de l’entreprise
Septembre 2019 : première production sur une ligne expérimentale à Villeneuve d’Ascq (60 tonnes par an)
Novembre 2020 : début des travaux de l’usine de Vitry-en-Artois
Décembre 2020 : livraisons des premiers clients, à savoir les chronodrives des Hauts-de-France et quelques restaurants (Le Comptoir Volant et Les 3 Brasseurs)
Juin 2021 : démarrage de la production industrielle à 25% de ses capacités avec un objectif de production de 5 000 tonnes à l’année
Aout 2021 : Certification B Corp validant des exigences sociétales et environnementales, de gouvernance mais aussi de transparence envers le public.
Octobre 2021 : Commercialisation chez Casino, Auchan, Monoprix, Chronodrive, Cora et Carrefour.