Le maraîchage à Saint-Omer a connu son âge d’or au cours de la seconde partie du XIXe siècle, époque au cours de laquelle la culture des légumes faisait vivre plus de 400 familles, ainsi qu’une demi-douzaine de chantiers navals. Mais après-guerre, avec la modernisation des techniques agricoles et la multiplication des chemins et des ponts, les maraîchers étaient devenus de plus en plus rares et les bateaux qui les transportaient autrefois étaient devenus inutiles. En 1997, tel le dernier des Mohicans, Gérard Colin, le dernier fabricant de bateaux, prit une retraite bien méritée. Bien malgré lui, dans cette longue histoire des « faiseurs de nefs » et de la charpenterie navale à Saint-Omer qui remontait aux origines de la cité, il mettait fin à plus d’un millénaire de traditions artisanales.
Une relève inespérée
10 ans plus tard, coup de théâtre : son petit-neveu, Rémy Colin, souhaite reprendre le flambeau. Diplômes d’ébénisterie et de charpenterie de marine en poche, il sollicite naturellement son parent pour réaliser son « compagnonnage ». Cette initiation aux secrets des façonneurs de barques de jadis le mène à créer sa propre entreprise en 2009. Un pari osé… Pire, peut-être, une folie ! Car n’est-ce pas folie que de tout miser sur un produit devenu inutile ? N’est-il pas plus sage de trouver un « vrai » métier, un métier qui rapporte, ou au moins qui nourrit et de monter en parallèle une association ? Rémy traverse cette tempête de questionnements sans remettre en cause son projet. Les bateaux traditionnels, il en est certain, n’avaient pas tiré leur révérence à la plaisance et au tourisme. Pour les sauver, la création d’un nouveau marché pérenne et la constitution d’une véritable société ne faisaient plus figure d’options.
Un atelier naviguant entre tradition et innovation
L’idée se concrétise en 2011, lorsqu’il s’associe avec son père. Ainsi naît le chantier naval des « Faiseurs de Bateaux » (de fils en père !), qui reçoit à peine quatre ans plus tard le prestigieux label français d’ « Entreprise du Patrimoine Vivant ». Cette marque qui distingue les entreprises traditionnelles et innovantes aux savoir-faire d’excellence, lui va à ravir. Ne figure-t-il pas parmi les derniers ateliers à cintrer les planches de chêne à la flamme et à calfater les coques à l’étoupe de lin ? Autant de compétences qui amèneront les artisans à multiplier les créations et les restaurations historiques tout en développant leur expertise en termes de construction de bateaux à passagers. Désormais, nous retrouvons leurs embarcations de Gravelines à Saint-Quentin en passant par les hortillonnages d’Amiens pour Arts et Jardins Hauts-de-France, ou le domaine du Château de Versailles ! Par ailleurs la liste des clients de l’entreprise comprend quelques grands noms du monde du cinéma et de la mode, que malheureusement les clauses de confidentialité signées par l’entreprise de permettent pas de révéler.
Une offre touristique
Malgré ces faits d’armes honorables, l’entreprise est rapidement confrontée aux réalités du marché : tantôt, la demande de barques est au beau fixe, tantôt, elle se rétracte. Un véritable phénomène de marées qui hypothèque de manière cyclique l’avenir du chantier naval. La solution s’impose alors d’elle-même : se diversifier en proposant des découvertes de l’atelier et des visites du marais. Cette activité, prometteuse au demeurant, débuta avec un seul bacôve poussé à la perche ! Désormais, on ne compte plus les embarcations allant et venant le long des quais qui jouxtent l’atelier. Le site s’est même doté dernièrement d’un restaurant de plein air et d’un bar qui fait la part belle aux produits locaux. Les terres qui entourent les quais sont, quant à elles, occupées par un maraîcher biologique et un apiculteur. En quelques années, le site s’est ainsi mué en un lieu dédié au bien-être, à l’éco-tourisme, aux circuits courts, à l’échange et à la préservation d’anciens métiers. L’aventure ne fait pourtant que commencer !
L’entreprise en quelques dates et chiffres
2007 : Rémy Colin est initié au métier par Gérard, son grand-oncle. 2 ans plus tard, il crée son autoentreprise avant de s’associer avec son père en 2011.
2013 : Les Faiseurs de Bateaux s’ouvrent au tourisme.
2015 : L’entreprise obtient le label Entreprise de patrimoine Vivant. Un an plus tard, les Faiseurs de Bateaux rejoignent le réseau Proscitec Patrimoine et Mémoire des Métiers ainsi que celui des éco-acteurs de la réserve de biosphère du marais audomarois.
2018-2019 : Création du bar et du restaurant de plein air.
3,5 : c’est le nombre de tonnes que peut transporter un bacôve, le « camion » des anciens maraîchers. Une imposante barque mesurant 9,5 m de long pour 2 m de large et pesant 1,5 tonne.
8,3 : c’est la longueur maximale (en mètres) d’une escute. Cette embarcation servant à transporter les outils est déclinée en plusieurs tailles, la plus petite mesurant environ 4,5 m de long pour 1,2 m de large.
5 : C’est le nombre de personnes travaillant désormais toute l’année pour le chantier naval.
45 : c’est le nombre de jours nécessaires à la construction d’un bacôve pour deux charpentiers.
Pratique
Les Faiseurs de Bateaux
43, route de Clairmarais à Saint-Omer
Tel : 06 08 09 94 88
Mail : lesfaiseursdebateau@gmail.com
Site web : lesfaiseursdebateaux.fr