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Le visage inconnu : l’âme de la Grande Guerre

Créée en 2017 et achevée six mois plus tard, l’exposition temporaire de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne, Le Visage inconnu, a connu un destin hors du commun. Au lieu de sombrer dans l’oubli, cette image est devenue un symbole puissant et reconnu.

À première vue, on pourrait penser qu’il s’agit d’une simple photographie. Mais pourquoi la qualité n’est-elle pas meilleure ? La réponse réside probablement dans le fait qu’elle a été prise pendant la guerre, dans des conditions loin d’être idéales. L’image montre un jeune homme au regard doux et au visage presque souriant, coiffé d’une apparente casquette militaire. Tout porte à croire qu’il s’agit d’un soldat dans les tranchées.

Mais la réalité est tout autre. Cette image n’est pas une photographie unique, mais la combinaison de 30 000 clichés, un exploit technique et un résultat saisissant. Selon Hervé François, directeur de l’Historial de la Grande Guerre de Péronne, “nous avons voulu créer un portrait-robot de cette masse de personnes affectées par la guerre. Un algorithme spécial a été développé pour compiler chaque photo, superposer chaque calque.

Un visage artistique et historique

Et malgré l’aspect informatique, il reste dans cette image finale un côté évanescent et doux, fantomatique. Ce n’est pas un guerrier, mais une représentation de l’humanité en guerre. Ces individus sont aussi des femmes et ils proviennent de tous les continents”. L’idée centrale est “l’humanité impactée par la guerre, ce qui exclut les personnes âgées et les enfants”.

Cette Première Guerre mondiale est la première à avoir impliqué tous les continents, l’ensemble de l’humanité. C’est la première guerre industrielle, où la technologie a joué un rôle majeur dans les pertes humaines, touchant les pays qui ont subi les attaques. Le front était terrible pour ceux qui y étaient envoyés, mais juste derrière ces lignes, de nombreuses femmes et hommes soutenaient les soldats. Ces femmes, souvent infirmières, adoucissent le portrait du visage inconnu.

Nathalie Clin, responsable de la collecte des clichés, a rassemblé près de 60 000 photos, mais seule la moitié a été utilisée. “Il fallait que le visage soit très visible, de face ou de trois-quarts, avec le front, les yeux et le menton correctement placés pour répondre à l’algorithme”, explique-t-elle. Elle a recherché des visages de toutes les origines – caucasiens, indiens, africains – pour créer un visage universel.

Au début du XXe siècle, se faire photographier était un événement. On se préparait, on se faisait beau. C’est pourquoi certaines parties de la population étaient plus difficiles à inclure dans le projet. “On a facilement retrouvé les Européens. Ce fut plus compliqué pour certaines colonies de l’époque, notamment d’Afrique noire, de Chine, des Indes. Il n’y avait pas d’équilibre. Je me souviens avoir trouvé ces coloniaux au travail, voutés, courbés, ne posant jamais pour une photo, donc pas utilisables pour l’algorithme”, ajoute Nathalie Clin.

Un beau succès

Quand le directeur Hervé François a proposé à Nathalie Clin de travailler sur ce projet, elle a été immédiatement enthousiaste. Elle pensait contribuer à une exposition temporaire, comme l’Historial en propose régulièrement. “Je n’avais aucune idée du résultat ni de l’impact. J’étais ravie de pouvoir mettre des visages sur des événements. C’était donner un visage à la guerre”, dit-elle.

Trois ans plus tard, Le Visage inconnu est toujours en place, attirant l’attention dès l’entrée dans la première salle de l’Historial. Cette image a reçu de nombreuses récompenses dans le milieu de la communication et de la publicité. Elle a été conçue par l’agence de communication parisienne Fred & Farid, qui a également supporté le coût de production élevé de ce projet. “Il y a un vrai travail historique sérieux, mais ce n’est pas une base de données renseignée. C’est une démarche symbolique”, commente Hervé François.

Le Visage inconnu est désormais présent dans les manuels scolaires pour illustrer la Grande Guerre et est même devenu un sujet du Diplôme national du brevet. Il est devenu un symbole puissant qui émeut toujours autant, sinon plus, que lors de sa création. “Aujourd’hui, je ressens toujours beaucoup d’émotion en voyant le visage inconnu. J’ai davantage conscience qu’il est composé de milliers de photos, que ce sont des milliers de vies qui sont racontées. J’ai une sorte de fierté, car nous avons créé quelque chose d’international, qui va laisser une trace immense, qui marque les enfants : c’est un visage qui va rester”, confie Nathalie Clin.

La visite de l’Historial de Péronne est enrichie par la réalité augmentée, grâce à plusieurs applications pour smartphones. La dernière, “Sky Boy”, permet d’écouter les témoignages des hommes et femmes dont les costumes sont exposés. Il suffit de placer votre téléphone devant le “QR code” et une infirmière, un soldat, vous raconte sa guerre. C’est impressionnant, dynamique, captivant et très instructif.

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