Le lycée Léo-Lagrange de Bully-les-Mines, un patrimoine en ocre, rouge et verre

A l'heure où les Journées Européennes du Patrimoine consacrent les lieux d'éducation, le nouveau lycée de Bully-les-Mines pourrait bien faire partie du patrimoine de demain. Par son plan et ses volumes, par ses matériaux et ses couleurs, il illustre avec audace et singularité un pan de l'architecture scolaire des années 2000.
Par Karine Girard
Bully-les-Mines_Lycée-Léo-Lagrange-vue-d-ensemble

Cest un projet qui présente le bon dimensionnement de ses espaces. Il possède l’intelligence de l’articulation fonctionnelle des bâtiments entre eux et donne de la pertinence aux espaces de circulation et de détente. Telles furent les motivations du jury qui, en décembre 2000, fit le choix du projet proposé par l’architecte lillois Louis-Pierre Bernard. 

A l’approche de l’an 2000, l’ancien lycée Léo-Lagrange de Bully-les-Mines n’était clairement plus adapté à une population scolaire qui dépassait les 1000 élèves. De plus, le bâtiment de type Pailleron, élevé dans les années 1970, avait plutôt mal vieilli. Et en 1998, la Région, en charge la gestion des lycées, dut se résoudre à envisager la construction d’un nouvel édifice plutôt que de rafistoler l’ancien. L’ensemble devait désormais pouvoir accueillir 1300 élèves et répondre aux nouveaux usages de la vie scolaire.

Entre cette décision et l’inauguration du nouveau lycée, le 15 septembre 2006, près de huit ans s’écoulèrent ; huit ans pour lancer le concours, faire le choix de l’architecte et réaliser les travaux qui ne débutèrent qu’en 2004. Les raisons d’un tel retard s’expliquent par un mauvais choix d’implantation initial. A l’origine, le nouveau lycée devait se développer sur le site des anciens Grands Bureaux de la Compagnie minière de Bully. Mais c’était sans compter sur la proximité des usines classées Seveso, incompatibles avec un tel projet. Une nouvelle implantation se dessina donc à partir de 2002, entre champs et jardins, lançant par la même occasion une nouvelle phase d’urbanisation de la commune, où commerces et habitations ne tardèrent pas à remplir l’espace périphérique.

Une architecture éclatée et transparente

L’architecte eut les coudées franches pour proposer un plan éclaté qui, de part et d’autre d’une cour de détente -ou de récréation, comme on l’appelait autrefois- distinguait bien les fonctions d’enseignement, réparties sur deux ou trois niveaux, des lieux de vie et de service comme le réfectoire et les cuisines, le CDI ou la maison des lycéens. Les deux parties étant reliées par des galeries vitrées qui délimitent la cour tout en la laissant visible depuis l’extérieur du lycée.

L’entrée, elle aussi toute en transparence, profite de cet espace disponible. Le parvis paysager qui la précède permet de donner ici plus de visibilité aux volumes éclatés et de procurer un effet de monumentalité à l’accès principal. Il permet en outre d’assurer la sécurité des élèves, ainsi éloignés des voies de circulation automobile.

Ce principe d’éclatement spatial et formel se retrouve dans l’organisation “en dents de peigne” des différentes salles de cours. Il apporte une réponse radicale à “la tyrannie de l’angle droit” et à la trame préfabriquée propres à l’architecture scolaire des Trente Glorieuses. Chaque “dent” est ici dédiée à l’une des spécialités enseignées dans le lycée : médico-social, vente et commerce, comptabilité et gestion ou enseignement général. L’avantage réside dans le fait qu’aucune classe n’a d’accès visuel avec l’extérieur du lycée, ce qui évite la distraction potentielle des élèves qui n’ont que la vue sur les patios végétalisés.

Pour autant, partout l’utilisation des parois vitrées fait baigner de lumière les espaces de circulation. Ici, la transparence règne en maître avec quelques ponctuations colorées.

La couleur pour favoriser les déplacements

Si l’usage du métal et du verre peuvent donner une impression assez froide, l’usage de la brique, des murs ocres et des couleurs vives équilibrent de manière efficace cette première impression. Mieux, les couleurs vives (rouge, orange, violet ou vert) utilisées pour la cage d’escalier en colimaçon de l’entrée, en signal des escaliers droits qui desservent les salles de cours, ou en jalonnement des couloirs et des préaux, apportent un dynamisme qui accélère le déplacement des élèves. La brique et l’enduit ocre renvoient plutôt à la terre et à l’architecture traditionnelle du Nord, et ont quelque chose de rassurant et d’apaisant.

L’approche paysagère

Pour intégrer ce lycée dans son environnement et pour atténuer le côté métallique et minéral de l’édifice, Louis-Pierre Bernard s’est aussi adjoint des compétences du paysagiste Philippe Thomas. Bien connu pour ses réalisations au collège de Nieppe, au village touristique du Val-Joly ou au parvis du FRAC de Dunkerque, Philippe Thomas, également installé à Lille, s’est intéressé aux patios et a cherché à apporter de la convivialité partout où cela était possible. Il a conçu un amphithéâtre naturel situé au centre de la cour principale. Il a fait le choix de plantes qui donnent de la perspective. A d’autres endroits, il a privilégié la couleur des floraisons pour qu’elles résonnent en écho chromatique aux murs peints. Partout, il a cherché à rendre ce lieu agréable, y compris sur les toits terrasses végétalisés.

Aujourd’hui, le lycée professionnel Léo-Lagrange, constitue un exemple très abouti qui illustre l’évolution de l’architecture scolaire contemporaine. En proposant une réponse audacieuse et unique mais pleinement adaptée aux usages multiples dont ont besoin les lycées d’aujourd’hui, Louis-Pierre Bernard s’est peut-être ouvert la voie vers une reconnaissance patrimoniale future.

Malgré sa qualité architecturale, le lycée Léo-Lagrange de Bully-les-Mines n’est pas ouvert à la visite pour les Journées Européennes du Patrimoine.
Informations sur les formations proposées par le lycée au 03 21 29 13 26
Lycée Léo-Lagrange
Rue Victor Schoelche – BP 109
62160 BULLY-LES-MINES
Site internet du lycée

Texte : Karine Girard
Photos : Région Hauts-de-France – Inventaire général ; Hubert Bouvet
10 septembre 2020
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