« Mon père a toujours été très investi dans les sports de pleine nature. Il faisait partie de cette génération d’après-guerre qui s’est réappropriée la liberté par ce biais » confie François Joliveau, Président du Comité départemental de voile de la Somme. Une soif de grands espaces qui s’est notamment traduit par la création de 9 clubs de voile dans le département (Amiens Voile, APV Picardie, Ches Cayteux, Eveils Fort-Mahon Plage, Gamaches Plein Air 80, Club Nautique de la Baie de Somme et Glisse sensation Mers-les-Bains), sur la côte comme à l’intérieur des terres. « Argœuves a la particularité d’être à 7 km d’Amiens seulement. Les plans d’eau comme celui-ci ou celui de l’Etoile ont permis l’éclosion de la pratique » poursuit celui a apprivoisé l’eau et le vent à Cayeux-sur-mer voilà plus de 60 ans. « Le site a l’atout d’être très accessible et évolutif : c’est à la fois une école, un lieu de formation pour les moniteurs et un endroit adapté à la pratique sportive » souligne François Joliveau. Ici, on pratique aussi bien du dériveur léger que de la voile radiocommandée. Au bord de l’eau, des optimistes et des lasers attendent sagement. La saison débute à peine et le site sort doucement de l’hibernation.
Apprendre à maîtriser les éléments
« Comme tous les sports de pleine nature, la voile est accessible à tous, y compris aux personnes en situation de handicap. C’est une activité qui nécessite de l’engagement, de la concentration et du sens pratique ou un peu de sens maritime. La voile, c’est de la contemplation active » détaille-t-il, assurant aussitôt que toutes ces qualités se travaillent et s’acquièrent instinctivement. Membre de l’école française de voile, « Amiens Voile » accueille les plus jeunes à partir de 7/8 ans, âge auquel la motricité est plus fluide et où le petit marin est capable de regarder loin devant tout en barrant derrière. « Tout l’enjeu est de s’adapter progressivement à l’engin, de progresser techniquement pour ensuite pouvoir maîtriser l’environnement que sont le vent et l’eau. Lorsque l’on y arrive c’est vraiment satisfaisant » explique François Joliveau en ouvrant la voilerie. A l’intérieur du conteneur, voiles, bômes, mâts et autres ustensiles de navigation s’animent. Ils sentent que bientôt, il sera l’heure d’habiller un dériveur léger. « Gréer » corrige doucement le moniteur.



Des gestes et des mots
Voile radiale, bôme, pied de mât, haut de mât, bouts. Nous voilà équipés. Sur l’eau, mouettes et gros oiseaux ricanent déjà. C’est que l’embarcation à retourner– un laser de taille tout à fait raisonnable- pèse son poids. Sur l’herbe, on déroule la voile, on hisse la bôme sous les encouragements de François Joliveau. Bienveillant, il félicite la moindre réalisation avec beaucoup de conviction. L’éducateur chevronné a ainsi l’étonnante capacité de faire passer un premier nœud en huit pour une petite merveille. Des petits mots que l’on savoure comme des sucreries et qui donnent des ailes. « C’est un sport très évolutif, on peut commencer de 0 et aller jusqu’au Jeux Olympiques » assure-t-il, prenant l’exemple de Théo de Ramecourt, kiteboarder licencié au club de Cayeux-sur-Mer et qui pourrait représenter la France aux JO de 2024. Avec conviction, on glisse les différents cordages pour attacher la voile sur le bateau. En terme technique, on utilise des bouts « pour gréer la voile » mais aussi pour pouvoir la régler à bord du bateau. Une fois l’écoute, qui permet de border la voile ou de la laisser partir, correctement installée, François Joliveau nous encourage à prendre place. Là, sur l’herbe calme, il explique les bases de la navigation. Si tenir la barre paraît assez naturel, jouer avec la voile pour qu’elle capte le vent de façon pertinente parait bien plus complexe. « On peut creuser les voiles, lui donner du volume ou la rendre plate pour que le vent glisse dessus » lance notre moniteur. Sur cet océan de vert, le corps prend place, essayant d’anticiper les mouvements de l’eau et de l’air qui sifflent avant de retomber. « Là, c’est le temps idéal, les couleurs commencent à apparaître » sourit François Joliveau en regardant le soleil monter. Au loin, les mouettes et leurs copines ont cessé de pouffer. On dirait bien que finalement, le petit mousse d’herbe est prêt à s’élancer sur l’eau.
