La paille : or régional dans toutes ses déclinaisons

Matériau considéré à tort comme pauvre, la paille peut pourtant se targuer d'avoir quelques titres de noblesse. Utilisée aussi bien en architecture qu'en décoration, elle révèle ses atouts à qui sait l'appréhender. Tour d'horizon de ses atours et détours créatifs.
Par Nadia Daki
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Julien Pradat, architecte à Amiens au sein du cabinet Murmur Architecture, a l’habitude de travailler avec des matériaux biosourcés. Alors lorsqu’en 2018, pour un projet, l’occasion se présente de travailler la paille, c’est une évidence. « Pour le pôle jeunesse de la ville de Dainville, l’idée était de construire autrement. Nous avons donc associé des essences de peuplier à de la paille issue d’ici », raconte-t-il. Excellent isolant, la paille se révèle également intéressante pour garder la fraîcheur. « L’utilisation de la paille requiert des connaissances techniques et spécifiques. C’est pourquoi on s’entoure de bureaux d’études spécialisés dans le domaine », poursuit Julien Pradat. Sensibilisé aux questions environnementales, il veille à utiliser les matériaux les moins impactants sur l’environnement et produits localement. « On ne peut plus continuer à utiliser du béton, du sable et du métal qui viennent de loin. Aujourd’hui, prendre conscience de la raréfaction des ressources est une vraie nécessité. » 

Une nécessaire démocratisation 

Pour l’heure, ce sont uniquement des équipements publics qui optent pour de telles constructions. Mais demain aurons-nous tous une maison en bois local et en paille ? « Il y a certes un surcoût pour ce type de maison, mais le frein principal reste l’idée que ce n’est pas solide. On doit toujours expliquer que ce n’est plus les trois petits cochons, que ce type de maison ne brûle pas, se consume lentement, qu’il n’y a aucun risque concernant les rongeurs ou encore que la paille ne pourrît pas. » Depuis 2020, dans le cadre de la Troisième révolution industrielle (Rev3), la région s’est dotée d’une véritable filière paille pour promouvoir cet isolant naturel (cf. encadré). « Cela fédère tous les acteurs et permet à la fois de se former autour de son utilisation et de la démocratiser », se réjouit Julien Pradat. 

La touche déco qui fait la différence 

Mais s’il est un espace où la paille séduit et trône sans hésitation, c’est bien nos intérieurs. La marqueterie de paille est même la spécialité de certains créateurs régionaux. A l’instar d’Anne-Lise Dever, fondatrice de Maison Paille à Lille. Depuis cinq ans, elle crée du mobilier et des objets de décoration tout ou partie en paille. « J’aime la minutie que la paille requiert, manipuler ce matériau qui a vécu dans un champ et qui nécessite beaucoup de temps pour se révéler à travers un motif. Aucune machine ne peut le faire. Cela nous place dans une autre échelle de temps où les choses vont par nécessité beaucoup moins vite. » Commode, table de chevet, tête de lit, elle décline la paille aussi bien sur le verre que la terre cuite ou le bois. « J’adore la singularité de cette matière. Elle peut paraître pauvre, désuète et donner un objet précieux, unique et riche en nuances. » Influencées par le courant Memphis, le mouvement Bauhaus ou l’univers de Magritte, ses créations mêlent douceur et arrondis avec des couleurs vives.  

Un matériau végétal, synonyme de luxe 

Ce qui a séduit Virginie Mahieu, fondatrice de Délicatébèn’ à Revelles (Somme), c’est la capacité qu’a la paille de capter la lumière. « Et elle le fait d’une manière extraordinaire. Les teintes et les reflets sont changeants en fonction de l’intensité. C’est une matière déclinable quasiment à l’infini. » La marqueterie de paille n’est pas une discipline qu’on improvise. « C’est assez long et fastidieux. On travaille au quart de cheveu, il faut donc de la dextérité et de la précision. »

C’est cette exigence qui a constitué un déclic pour Valentin Bove, ébéniste installé à Laon. « La paille est collée brin par brin et bord à bord, directement sur le support. Il faut que ce soit parfaitement jointif. La marge d’erreur est réduite à zéro contrairement au bois où l’on peut jouer un peu en le dilatant. » Une fois la paille travaillée, elle devient un produit de luxe. Tous se fournissent chez l’unique producteur français Jean-Luc Rodot installé en Saône-et-Loire, car la préparation de la paille nécessite un savoir-faire spécifique. « Il utilise des techniques de coloration et de teinture qu’il est le seul à maîtriser », insiste V. Boves. Pour s’essayer à cet art ancestral qu’est la marqueterie de paille, les artisans proposent des ateliers d’initiation. Seul prérequis, la patience ! 

CD2E, des experts au service de l’éco-transition
Véritable fédérateur de la construction avec matériaux biosourcés, le CD2E est un pôle d’excellence régional. Son rôle est d’accompagner tous les acteurs, entreprises, territoires et filières vers l’éco-transition. L’idée ? promouvoir les matériaux produits localement et les acteurs qui s’emparent de cette question en proposant des mises en relation, des formations et des ateliers. 

CD2E – Rue de Bourgogne – 62 750 Loos-en-Gohelle – Tél. : 03 21 13 06 80https://cd2e.com/

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Texte : Nadia Daki
Photos : Laurent Desbois – Lwood (sauf mention contraire)
06 avril 2022
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