Jardins d’Automne : les jardins guerriers de Séricourt

Au cœur du Ternois, les Jardins de Séricourt sont une référence dans l’art topiaire. Par endroit, ses espaces paysagers deviennent des univers propices à raconter des histoires ou à taquiner notre imaginaire. Et lorsqu’ils se parent des couleurs de l’automne, ils gagnent en charme et profondeur.
Par Carine Di Matteo
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Bath promène sa truffe sur les feuilles du hêtre pourpre pleureur qui ouvre l’Allée nostalgique. Il pleuvine sur les Jardins de Séricourt et le clapotis des gouttes sur les arbres improvise une mélodie douce. Le golden retriever reprend son chemin sur l’herbe jonchée de feuilles rouges des platanes et nous emmène au Jardin guerrier.

Deux armées d’ifs

C’est ici que se trouve le champ de bataille imaginé par le paysagiste Yves Gosse de Gorre. Deux armées de deux cents ifs fastigiés s’affrontent. Le doré de leur silhouette ne doit pas nous tromper, c’est un combat des plus rudes qui s’annonce. « Nous sommes sur les terres de la Bataille de la Somme », souligne son fils, Guillaume. C’était donc une évidence pour Yves Gosse de Gorre de s’inspirer de la guerre lorsqu’il a réalisé son premier jardin thématique.

« Lorsque nous nous sommes installés à Séricourt, dans les années 1980, mon père a commencé un jardin dans lequel il avait planté pas mal de vivaces qui s’est mis à lui servir de showroom. » Les passionnés de fleurs et de nature sont venus de plus en plus nombreux regarder l’espace s’embellir et s’enrichir, au gré des années, dans ce charmant village d’une cinquantaine d’habitants du sud du Ternois. La terre y est bonne, très bonne même. « C’est une terre de fond de vallon », détaille Guillaume Gosse de Gorre, lui aussi paysagiste et désormais l’architecte de ces jardins labellisés « Jardin remarquable ». Son père s’est appuyé sur elle pour agrandir le jardin jusqu’à dépasser quatre hectares.

Ils ont une drôle de forme, les combattants des Gosse de Gorre. « Nous nous sommes inspirés des soldats de terre cuite retrouvés dans la tombe de l’empereur chinois Xian », explique Guillaume. Ce n’était pas possible de tailler ces ifs au point de leur donner des bras, des jambes et des armes, alors ils sont découpés en rectangle de tailles différentes. Juste avant que les deux armées ne passent à l’offensive, les délicates branches dentelées des faux cyprès du Japon (Chamaecyparis obtusa nana gracilis), laissent apparaître une allée jonchée de tuiles brisées. « Elle mène vers ce qu’on appelle Le repos du guerrier, prévient Guillaume Gosse de Gorre, au bout de laquelle une sculpture de Robert Arnoux représente un baiser. Si l’on est optimiste, on voit en elle des retrouvailles mais si on est pessimiste, on croit plutôt à un dernier baiser avant le départ pour le front. »

Les ifs sont-ils sujets aux maladies ?
« Non et ils peuvent vivre très longtemps, ce qui n’est pas le cas du buis, répond Guillaume Gosse de Gorre. Il est ennuyé par un champignon qui aime la chaleur et l’humidité. Il faut donc veiller à bien les aérer. Leur second problème est la pyrale, c’est un papillon qui les abîme. Le mieux, c’est utiliser un piège à phéromone pour les piéger. »

Un bois de livres de contes

Une rose, la dernière de la saison, se cache des combattants rectangulaires. Son rose violacé résiste au ciel gris comme aux jours de pluie. Un petit panneau prévient qu’elle vient d’une lignée fière, celle des rosiers La Marne. Son éclat ne cache pourtant pas longtemps le charnier qui s’opère derrière. Des trous d’obus, énormes, qu’il faut éviter pour gagner Le bois des ombres. « On dit que c’est là où vont les âmes des soldats », souffle Guillaume Gosse de Gorre. La lumière elle-même n’y pénètre plus jamais. Ses longues rangées de sapins, au tronc blanchi, semblent sortir de livres de contes anciens. Le temps ne compte plus, pourtant il faut rejoindre le champ de bataille. L’été, les coquelicots l’ont rempli de rouge vif. Ses miscanthus gracillimus ressemblent maintenant à des projectiles touchant le sol.

Quatre masques guerriers, immenses, leur font face. Ils sont bien plus grands que Guillaume Gosse de Gorre. Ils sont sculptés directement dans les thuyas, rafraîchis deux fois par an pour rester intacts… et impressionnants. Bath, fidèle compagnon du paysagiste, s’élance maintenant vers des pleureuses, représentées par des prunus inversa, au pied d’un catafalque végétal. Un banc en pierre permet de s’y recueillir et d’apercevoir qu’un prunier aux feuilles rouges violacées domine majestueusement la scène et les deux armées toujours face-à-face.

On pourrait presque ne pas voir un petit chemin s’ouvrir derrière la troupe la plus nombreuse. Ce serait dommage, on y découvre trois déserteurs tentant malicieusement de se cacher derrière des fougères et des fraisiers dépourvus de leurs fruits depuis longtemps. La nature quitte la rigueur martiale pour se faire luxuriante, les chemins deviennent sinueux. Il est grand temps de s’échapper.

Quels conseils pour bien tailler les ifs et les buis ?
Il est important d’utiliser des outils bien aiguisés, de ne pas le faire en pleine chaleur et de préférer les mois de mai et juin, juillet et août, même si on peut le faire toute l’année.

Texte : Carine Di Matteo
Photos : Laurent Desbois – Lwood
02 novembre 2020
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