Historial de la Grande Guerre tout en art

Belle découverte pour les amoureux des arts, le propos de l’Historial de la Grande Guerre est illustré par de très nombreuses œuvres, d’artistes européens : victimes et témoins de leur propre souffrance ou de celle de leurs camarades. Avec sensibilité et talent, ils ont saisi tous les sentiments, les atrocités, la peur, mais aussi croqué avec légèreté des scènes plus quotidiennes, du front ou de l’arrière. C’est ce que raconte la collection de l’Historial de la Grande Guerre qui rassemble près de vingt mille œuvres liées au conflit.
9 FI 797 ©Yazid Medmoun

Afin de valoriser mieux encore ses collections artistiques, l’Historial a installé de nouveaux meubles dédiés à la présentation d’œuvres autour de diverses thématiques. Les meubles à tiroirs installés dans les salles du musée invitent à la découverte de bijoux graphiques. Une manière commode de relire l’histoire, en étant acteur de sa visite du musée, en se laissant surprendre, comme l’explique Christine Cazé, chargée de la valorisation des collections : « Les gens adorent ouvrir les tiroirs, c’est le côté découverte ! C’est également pour nous l’occasion d’exposer des œuvres qui étaient en réserve, et de présenter des thèmes sous-exposés dans le musée, comme le camouflage… » qui a mobilisé de nombreux artistes pour un usage militaire. 

Ces meubles noirs s’intègrent pleinement à la muséographie de l’Historial : « c’est une sorte de cabinet de curiosité » proposé à tous les publics : « le dernier tiroir de chaque meuble est destiné aux enfants ! », précise la spécialiste. On y retrouve des objets qui figurent dans le Hors-série Découvertes ; cet ouvrage paru en 2018 chez Gallimard montre à travers des thématiques illustrées la richesse et la variété des sujets et collections à découvrir dans les deux musées de l’Historial à Péronne et Thiepval. Car l’Historial de la Grande Guerre est à la croisée des regards entre l’histoire culturelle et l’histoire comparée du premier conflit mondial. Il raconte l’histoire de l’humanité en guerre. Les artistes et leurs œuvres témoignent de leur expérience, parfois de leur vécu, toujours de leur vision de la guerre.

Comment représenter l’immobilité des tranchées ?

Les œuvres exposées sont riches et diverses dans leurs esthétiques et leurs formes : toiles, dessins, estampes, sculptures, affiches, enrichissent la visite, grâce à des supports variés, avec de grands noms tel Otto Dix, et sa série Der Krieg (unique en France) incontournable dessinateur de scènes plus poignantes les unes que les autres : « il représente dans des styles variés mais toujours avec une intensité poignante l’horreur, les ravages, les traumatismes de la guerre, la misère physique et morale, la souffrance, la blessure, la mort, la folie, la dévastation des paysages et des êtres … Ses œuvres dégagent une atmosphère terrible, pesante, sombre, incarnée mais aussi quasi-surréaliste » explique la conservatrice Marie-Pascale Prévost-Bault. Elle conseille également de s’attarder sur les œuvres de Georges Tribout ou d’Alexandre Zinoview, peintre russe installé en France, au pinceau naïf. Lui, met en exergue les horreurs de la guerre par un trait paradoxalement doux, presque apaisant, ambiguïté subtile poussant l’observateur à une réflexion plus poussée sur la réalité d’un conflit.

Un conflit particulièrement ardu à représenter, en raison de son aspect immobile, comme l’analyse Marie-Pascale Prévost-Bault : « cette guerre devient vite une guerre de tranchée, où l’on s’enterre. Elle est donc difficile à représenter. Comme le dit Théophile-Alexandre Steinlen : « il n’y a rien à voir, rien à montrer, des hommes enterrés, plus de grandes charges héroïques », loin des représentations allégoriques des conflits précédents ». Sans compter sur les difficultés du quotidien pour les artistes, dont les cahiers de papiers ne sont guère épais : « comme leurs camarades de tranchées les artistes combattants, vivent les horreurs du front, les affres de la météo, des conditions de vie terribles, et trompent l’ennui en essayant de pratiquer leur art. Le manque de papier, la complexité à composer une œuvre sur le front, les risques de pertes ou destruction, leur imposent l’envoi à l’arrière de leurs ébauches et croquis ». C’est pourquoi de nombreuses créations seront finalement créées après le conflit. Témoignant avec recul de l’horreur des combats, de la vie et de la mort des soldats.

« Dans un foisonnement de créativité, les thèmes et les styles se croisent. Loin de l’héroïsation, nombre d’artistes ont montré l’horreur de la guerre, ses destructions, ses bouleversements, ses traumatismes », abonde Hervé François, directeur de l’Historial. Sous toutes les formes imaginables, même les plus modernes, les arts occupent une place centrale à l’Historial de la Grande Guerre. Et pour rendre le travail des auteurs encore plus vivant, la technologie et le numérique deviennent les outils d’une nouvelle compréhension des œuvres, à l’instar du désormais célèbre visage inconnu (voir iCéÔ n°10 – novembre 2021), ou ponctuellement du  Mapping de certaines œuvres. La fresque de Joe Sacco présentée au musée de Thiepval complète ces présentations artistiques avec une vision originale et contemporaine. Multiplier les approches pour mieux appréhender les œuvres, comme un devoir de transmission de la mémoire des arts.

Quelques artistes des collections de l’Historial de la Grande Guerre

Théophile-Alexandre Steinlen : Les deux cortèges.

Charles-Georges Dufresne : Cabaret au front

Félix Edouard Vallotton : C’est la guerre ! La tranchée / Les fils de fer

Anna Petrovna : Assiette révolutionnaire russe

Gir – Charles-Félix Girard, dit Charles : aquarelle sans titre du château de Péronne

G. Bruyer, Renefer, J-É. Laboureur, A. Mare, Fernand Léger, Otto Dix, Max Pechstein

Découvrir, redécouvrir l’Historial de la Grande guerre

Historial de la Grande Guerre
Musée – Péronne
Château de Péronne
80200 Péronne
T. 03 22 83 14 18
www.historial.fr
info@historial.org

MUSÉE – THIEPVAL
8 rue de l’Ancre
80300 Thiepval
T. 03 22 74 60 47

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