Étoffer le game touristique

Faire revivre des lieux chargés d’histoire en jouant les détectives ou les combattants du futur. A Picquigny, Eaucourt-sur-Somme et Abbeville, châteaux et Banque de France sont le cadre de nouvelles approches ludo-touristiques.
Par Joffrey Levalleux
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Le laser met en lumière 

Du mur d’enceinte, il ne reste pour ainsi dire rien. Seules deux tours édentées de leurs mâchicoulis enserrent le châtelet d’entrée. Malgré ces maigres vestiges, le château d’Eaucourt-sur-Somme accueille 10 000 visiteurs par an depuis 1995. Principalement des scolaires qui, le temps d’une demi-journée, endossent un tablier de forgeron, réalisent un arc d’ogive en béton cellulaire ou encore jouent les Guillaume Tell avec une arbalète. Cet été, on a aperçu une toute autre catégorie de pèlerins franchir l’ancien pont-levis. Ils ne portaient pas de brand d’arçon ni de heaume « mais des pistolets laser et des casques oranges ou bleus selon qu’ils voulaient ou pas changer le cours de l’histoire », indique Nicolas Franqueville d’un air goguenard. Pour le président de l’Association pour la Restauration du CHâteau d’Eaucourt (ARCHE)1, cette nouvelle activité permet de « faire découvrir un site inscrit au titre des Monuments historiques sans l’affecter. » Car contrairement au paintball, un rai de lumière ne laisse pas de trace. Autre argument, sonore cette fois, dans ce type de jeu « plus on crie, plus on se fait repérer. Alors… » Alors les vaches peuvent continuer à paître paisiblement dans leur écrin verdoyant. 

[1] Créée en 1983, l’Association pour la Restauration du CHâteau d’Eaucourt organise des visites pédagogiques, des fêtes médiévales et désormais des escape games à Picquigny. 

EN SAVOIR + www.chateau-eaucourt.com 

Vieux cadres dynamiques 

Depuis 2015 où elle assume la gestion du site, l’ARCHE se renouvelle en prenant soin de ne surtout pas trop dépoussiérer l’âme des lieux. Car si chaque joueur est amené à enfiler le tabard – la tunique officielle de l’ordre du Temple -, à ouvrir des tombeaux et à plonger la main dans des tonneaux, il apprend aussi que Gormont de Picquigny fut nommé patriarche latin de Jérusalem lors de la première des huit croisades « et que le vendredi 10 octobre 1307, sur ordre de Philippe le Bel, les Templiers furent massacrés. D’ailleurs, tout le monde retient cette date », se félicite Damien Maupin pour qui évoluer dans un cadre historique « n’a rien de ringard à condition d’y mettre suffisamment de passion. » 

A une vingtaine de kilomètres en remontant le fleuve, vous pouvez toujours hurler dans les geôles du château de Picquigny. A sept mètres sous terre, personne ne viendra vous sauver. « Maintenant, si vous parvenez à ôter vos chaînes et à vous échapper de la table de torture, pourquoi pas ?… » Avec Damien Maupin, on ne sait jamais sur quel pied danser. Jusqu’à ce que le fieffé filou déverrouille nos doutes tels les indices déposés dans les Cryptex2 des deux escape games3 imaginés dans ce vénérable château. « Ça reste un jeu. Pimenté, certes, mais un jeu qui donne la parole à un lieu chargé d’histoires », insiste le directeur de l’ARCHE. N’ayant ni les moyens humains d’un Guédelon ni la notoriété d’un Chambord, Picquigny mise sur son meilleur atout : l’immersion participative.

[2] Un Cryptex, mot valise formé de cryptologie et de codex, est une boîte à code secret qui renferme des messages, parfois une partie de la clé de l’énigme. Elle s’ouvre à l’aide d’une combinaison alphanumérique, mélange de symboles, de chiffres et de lettres.  

[3]  Le Mystère des Templiers et La Dernière croisade.

EN SAVOIR + www.chateau-picquigny.com www.escapegame-chateau.com  

Du château fort au coffre-fort  

Ils auraient pu empiler des containers venus du bout du monde ou construire vite fait un hangar moche en périphérie de la ville. Mais non. Histo-Game est née au rez-de-Chaussée et dans les sous-sols de l’ancienne Banque de France d’Abbeville. Soit 750 m² de comptoir en marbre noir, de rambardes en laiton, de verrières Art déco et d’authentiques salles des coffres. Très prochainement, celle réservée aux clients sert de décor au très rocambolesque Casse d’Anvers du 15 février 2003. « On a tout pour s’imprégner des faits réels, souligne Damien Maupin. Des centaines de coffres, des armoires remplies de clefs, des portes blindées, des isoloirs. Et tout ça, dans son jus ! » De son côté, Nicolas Franqueville admet que ce qui l’excite le plus dans tout ça, « c’est de créer un scénario avec des ressorts cohérents, des pièges, de la réflexion. » 

A peine a-t-il achevé la trame du premier escape game qu’un second projet assiège l’espace cérébral de ce grand enfant. « Il se tiendra dans l’autre salle des coffres. Celle où étaient stockés les fonds propres de la banque. Là, on va se baser sur l’attaque à main armée du 22 juillet 1944 menée par la Résistance. Les Forces Françaises de l‘Intérieur sont quand même reparties avec 7,5 millions de francs. » Les joueurs n’auront pas cette chance. En attendant l’ouverture prévue en juillet 2022, à défaut de jouer les braqueurs, les amateurs de sensations fortes peuvent d’ores et déjà investir la salle des archives transformée en laser game. Et jouer à cash-cash. Je vous en fiche mon billet. 

EN SAVOIR + www.histo-game.com 

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Texte : Joffrey Levalleux
Photos : Franck Bürjes
03 avril 2022
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