Le 13 mai, Hugo aura un an, comme son aulne éponyme qui vit actuellement sa première montée de sève en retrait du chemin d’Aix. Nous sommes au nord de Liévin, « l’un des rares secteurs de la ville épargné par l’urbanisation », note Thérèse Chiarello, adjointe à l’Environnement. Planté fin novembre dans le cadre de l’opération « 1 naissance, 1 arbre planté », Hugo-l’aulne s’est déjà fait 249 copains-baliveaux parmi lesquels Sophie-le-charme et Léon-le-merisier. Cet automne, son cercle d’amis va tout bonnement doubler. Sur la parcelle mitoyenne, la municipalité a en effet prévu de repiquer autant d’arbres qu’il y aura eu de naissances au cours de l’année écoulée. Baptisé Forêt des enfants, ce projet illustre l’engouement pour le verdissement des zones urbaines. Pourquoi ? « Pour se balader, trouver de l’ombre et impliquer la jeunesse dans les questions environnementales », souligne l’élue en ouvrant les bras face à l’immense potentiel (55 000 m² de champ) nouvellement acquis par la municipalité.
Prendre racine dans les esprits
Sensibiliser les jeunes, voilà ce qui surmotive Mathieu Verspieren. BeeForest, son entreprise de création de micro-forêts urbaines, prône la pédagogie active. Grâce à elle, des centaines d’écoliers de Marck-en-Calaisis jusqu’à Abbeville mettent les mains dans la terre. Avec BeeForest, les surfaces sont toujours modestes. 700 m² en moyenne. Mais comme le répète l’ingénieur-agronome, « mieux vaut des petits poumons actifs qui font prendre conscience des bienfaits de la nature que des projets sans fondement menés à la va-vite. » Ces six derniers mois, 45 000 arbustes ont tout de même été plantés sur 15 000 m². Soit une densité record inspirée de la méthode Miyawaki[1].
A Lens, sur une ancienne friche naîtra bientôt une forêt.
[Photo Mairie de Lens]Mathieu Verspieren raconte aux enfants les bienfaits des arbres. [Photo BeeForest]
Pour Nicolas de Brabandère, grand spécialiste des forêts primaires et fondateur d’Urban Forests, « travailler à petite échelle n’altère en rien la dimension vertueuse de ces espaces. » Lutte contre le bruit, stockage du carbone, amélioration du cadre de vie, tout est bon dans la mini-forêt. Le naturaliste wallon a pu le constater à Toulouse, Nantes, Metz et même à Billy-Berclau (cf encadré).
« Mieux vaut des petits poumons actifs que des projets sans fondement menés à la va-vite. »
Mathieu Verspieren, fondateur de BeeForest
Pour respirer mieux en ville
C’est ce qu’on appelle un travail d’équipe. A Lens, le terminus de l’avenue van-Pelt mobilise la mairie, l’Etablissement Public Foncier, la CALL[2] et le groupe ECT[3]. Sur cette ancienne friche industrielle de plus de 3,5 ha, la ville réalise une immense forêt urbaine « pour le bien-être des Lensois », dixit Jean-Christophe Desoutter, adjoint au Développement durable. En février 2021, une première phase a vu l’arrivée de centaines de jeunes plants locaux dans une zone tapissée d’armoise. Ce mois-ci, le cœur du site va être garni de 8 000 tiges locales (charmes, hêtres, aulnes, érables) hautes de 90 à 120 cm. Quant au pourtour du site, notamment la prairie sèche, il sera conservé quasi tel quel.
Julien Jarett, ingénieur paysager, dans la forêt urbaine de Lens où les arbres supplanteront bientôt l’armoise. Toujours à Lens, des arbres déjà grands et leurs locataires pics-verts accueilleront les petits nouveaux.
Comme le souligne Julien Jarett, conducteur de travaux chez Pinson Paysage, « la nature ne nous a pas attendus pour s’exprimer d’elle-même. » Ici, les hommes vont se contenter de faire quelques aménagements : des gîtes à chauves-souris dans d’anciens tuyaux en plastique ou des abris à abeilles dans des racks en béton. Qu’on espère recouverts de mousse d’ici peu.
A Liévin, la Forêt des enfants passera à terme de 2500 à 30 000 m². Mathieu Verspieren dans sa mini-forêt urbaine de Violaines.
Entreprise de conscience
A côté des 40 000 m² d’entrepôts, les 550 m² de jeunes pousses de 30 centimètres de haut passent inaperçus. Sauf que, comme le rappelle Claude Lefèbvre, « les enjeux ne sont pas là où on croit. » Plantée le 13 octobre 2020 sous la conduite d’Urban Forests, la mini-forêt du Carrefour Supply Chain de Billy-Berclau n’a pas vocation à devenir un îlot de verdure où les salariés savoureront le contenu de leur bento, mais « une forêt primaire propice au développement d’un écosystème qui a déserté les zones industrielles », précise le directeur de l’immense plateforme dédiée au frais. Située derrière le poste de garde, la parcelle allie plantations denses en escalier et mélange d’essences locales. D’ici quelques années, coccinelles, papillons, libellules et autres lapins seront ici chez eux.
En savoir +
BeeForest https://www.beeforest.fr/
Urban Forests https://urban-forests.com/fr/
[1] Expert en botanique, le docteur japonais Akira Miyawaki a consacré sa vie à la restauration des sols. Il est l’inventeur des forêts urbaines denses. En 2006, ses travaux lui ont valu le prix Blue Planet, équivalent du Nobel de l’écologie.
[2] Communauté d’Agglomération Lens-Liévin
[3] Agrégateur de flux, le groupe ECT valorise la réutilisation des terres excavées.