Une architecture reconnaissable
Dire que la Cité Lemay devait être détruite… Alors qu’elle possède un patrimoine architectural indéniable ! « Il faut s’imaginer qu’au début du siècle dernier, la concurrence était acharnée entre les concessions minières pour recruter de la main-d’œuvre », contextualise Lisa Morel, de Cœur d’Ostrevent Tourisme dont les locaux sont justement nichés dans l’ancienne pharmacie de la Cité Lemay. L’élément de différenciation de la Compagnie des mines d’Aniche dont elle dépendait, c’était le style architectural du bâti. Sa griffe ? Un jeu de couleurs de briques rouges et blanches qui lui confère un caractère unique. Avec une cinquantaine d’exploitations minières, la Compagnie des mines d’Aniche (dont dépendait Pecquencourt entre autres) était la deuxième plus grosse compagnie après celle d’Anzin. Autant dire qu’elle n’a pas lésiné à l’époque sur les moyens.
La Cité Lemay a été construite de 1914 à 1930. Elle compte 154 logements, de quoi accueillir près de 600 habitants. C’est une cité dite « pavillonnaire » car elle s’éloigne un peu de l’alignement répétitif des corons. La précision est importante car il existe quatre types d’habitat minier : les corons (25%), les cités pavillonnaires (41%), les cités-jardins (9%) – comme son nom l’indique, avec une plus grande place donnée à la nature – et les cités modernes (25%). A l’époque, rappelons que les compagnies des mines logeaient, pour la plupart, quasi gratuitement les mineurs. Allant jusqu’à organiser toute leur vie quotidienne en finançant les écoles, la sécurité sociale et les soins.
« Des logements plus confortables »
A raison de quatre logements par bloc, la Cité Lemay de Pecquencourt se rythme de toitures différentes. Chaque maison est véritablement unique, ce qui fait la grande force architecturale de la cité. Les jardins en façade avaient d’abord une vocation vivrière. « Lors des visites organisées, on nous a rapporté que les mineurs qui n’entretenaient pas leur jardin pouvaient écoper d’une amende, raconte Lisa Morel. Les compagnies minières souhaitaient contrôler jusqu’aux loisirs, avec en filigrane l’idée d’occuper les mineurs afin qu’ils ne dépensent pas toutes leurs paies dans les cafés. »
Pour Raphaël Alessandri, architecte à la Mission Bassin Minier, association dédiée à l’aménagement du territoire, « à l’époque, de grosses interrogations subsistaient sur la pérennité de ces cités : certains logements devaient être démolis. La Cité Lemay a finalement fait partie des cités pilotes pour obtenir l’inscription du Bassin minier à l’Unesco en 2012. » Une reconnaissance qui s’est faite au titre de paysage culturel évolutif vivant.
« Avec la municipalité de Pecquencourt, notre but n’était pas seulement de protéger le patrimoine. On voulait aussi offrir des logements plus confortables, à un coût acceptable pour les bailleurs sociaux. Ce n’est qu’en proposant des études et des contre-projets que Maisons et Cités a accepté de revoir sa copie », souligne l’architecte.
Cité en exemple
Tout le défi de ce patrimoine vivant a été de s’éloigner d’une rénovation pure et dure tout en traitant l’espace public et les services. Ce qui a permis de faire travailler ensemble des architectes, des urbanistes, des paysagers, des techniciens. « A Pecquencourt, nous avons imaginé la reconnexion du quartier avec le Chemin du Galibot1 afin de rattacher la cité aux paysages miniers », prend pour exemple Raphaël Alessandri. De façon plus générale, le défi a été de rouvrir la cité sur son environnement immédiat via les aspects sociaux mais aussi environnementaux, techniques, sociaux, etc.
Ce qui a été possible Cité Lemay a ensuite pu être envisagé ailleurs : Cité Barrois (toujours à Pecquencourt), Cité Bruno à Dourges (la plus ancienne cité-jardin de France), Cité Taffin à Vieux-Condé, Cité Thiers à Bruay-sur-l’Escaut, Cité des Electriciens à Bruay-la-Buissière. Le tout couronné d’importants financements accordés dans le cadre de l’Engagement pour le Renouveau du Bassin Minier (ERBM). « Ces sites pilotes nous ont permis de démontrer que ces quartiers avaient un potentiel fort. Ils sont capables d’offrir des logements décents, économes en énergie mais aussi agréables à vivre. La refonte des espaces publics et des services en renforce l’attrait pour la population », conclut R. Alessandri. Pour justement ne plus jamais penser à les détruire.