Investir l’architecture urbaine
On sait que les murs ont des oreilles. Mai 68 affirmait qu’ils ont la parole. Voilà qu’ils donnent à voir. Le mapping vidéo, technique qui consiste à projeter des images lumineuses ou des vidéos sur des volumes, notamment sur des monuments, invite à investir l’architecture urbaine, et par là même, à reconsidérer les murs. Un nouveau media dont s’est emparé l’association lilloise Rencontres audiovisuelles qui œuvre à l’échelle régionale autour du thème des « nouvelles images ».
Créée il y a vingt ans, elle s’est d’abord intéressée à la création numérique, au film d’animation, s’est ouverte aux arts numériques avant de travailler plus spécifiquement le mapping vidéo. Depuis une dizaine d’années, elle contribue notamment par le biais du Video Mapping European Center au développement d’une filière de formation et de développement de projets pour les artistes et techniciens régionaux/internationaux qui œuvrent autour des techniques de l’image. Des résidences sont ainsi organisées à Arenberg Creative Mine (lire encadré) pour offrir chaque année à une quinzaine de jeunes professionnels l’opportunité de développer leurs premières œuvres. Ces résidences constituent également un laboratoire d’expérimentation et d’observation pour la recherche en collaboration avec DeVisu1, et permettent de croiser les disciplines, comme le cirque, le chant ou la danse.
[1] Situé sur le campus de l’Université Polytechnique Hauts-de-France (HPHF) à Valenciennes, DeVisu – Design Visuel et urbain – est un laboratoire centré sur les sciences de l’information et de la communication.
Inspirant pays minier
Depuis 2018, les Rencontres Audiovisuelles portent aussi le Video Mapping Festival qui se déroule chaque année dans une vingtaine de villes de la région. Des créations originales y sont présentées, spécifiquement pensées pour les volumes sur lesquels elles sont projetées. « Le choix du bâtiment se fait avec les villes d’accueil avec qui nous étudions la faisabilité technique, explique Antoine Manier, directeur des Rencontres Audiovisuelles. Certaines suggèrent des thèmes, d’autres laissent carte blanche. »
Le pays minier n’est pas en reste dans la programmation. La Cité des Electriciens est un partenaire régulier, ainsi que les villes de Lens et Liévin. Le thème même de la mine est récurrent. On peut ainsi citer Second souffle (2018), ElémenTerre (2019) ou le Conte de la Sainte-Barbe (2021), œuvres présentées à l’église Saint-Amé de Liévin, ou Back to Black (2021) à l’église Notre-Dame-des-Mineurs de Waziers. En mai dernier, le festival a investi la gare et l’église Saint-Léger de Lens. Le patrimoine minier bâti est lui plus difficilement mobilisable. « Un terril, on n’a jamais fait, notamment pour une question de budget, analyse Antoine Manier. Un chevalement, c’est compliqué parce que plein de trous. Quant à la brique rouge, elle n’est pas idéale pour ce type de projection car elle mange les blancs. »
Mais tout reste encore à inventer. Antoine Manier ambitionne déjà des créations pérennes et immersives, dans un musée par exemple. « Le mapping vidéo touche tous les publics, rappelle-t-il. Celui des feux d’artifice comme celui des manifestations culturelles. » Projeter au musée ou comment rattraper ceux qui ont tendance à y faire le mur.
ARENBERG CREATIVE MINE FAIT SON CINÉMA
Le site minier de Wallers-Arenberg, classé Monument historique depuis 1992 et inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 2012, a trouvé une nouvelle vie grâce aux métiers de l’image. Sa reconversion a été menée par la Communauté d’agglomération de la Porte du Hainaut, en partenariat avec l’Université Polytechnique Hauts-de-France 0 Valenciennes. Renommé Arenberg Creative Mine, le site a été inauguré en 2015. Sur place, il est possible de réaliser l’intégralité d’un film, du tournage à la post-production. Dédiés à la réalisation audiovisuelle mais aussi aux enregistrements son, les lieux attirent des réalisateurs et des producteurs, des entreprises en lien avec l’image, des start-ups mais aussi de nombreux artistes.